• Ma muse est une vieille dame. Décrépite, avec la canne, la bosse et le manteau en fourrure. Avec le ptit bichon qui ne tire pas sur la laisse. Une vieille qui ne pue pas et qui sait encore marcher, mais dont on a l'impression qu'elle va tomber d'un instant à l'autre. Elle est comme des vieilles dames qui s'accrochent dans les bus et paraissent maladroites. Elle est comme ces vieilles dames qui vous disent « viens à la maison, tu auras des gâteaux » pour essayer d'aérer de votre présence la suffocante absence de vie de leur mouroir. Ma muse est une vieille personne qui rempli son appartement de pots pourris et ne supporte pas la moindre chiquette sur sa moquette. 

     

    Pendant ce temps des gens vivent. Certains meurent. Mais pendant que la retraite, la politique, les études, la société, la télévision, la publicité, des gens vivent. Certains meurent.

    Des gens gravissent des montagnes chaque jour. Des gens traversent leur pays chaque jour. Des gens portent le monde sur leurs épaules. Et l'une dit qu'elle a de l'argent, alors autant le dépenser. Pour des trucs staïle à 230 par exemple. C'est vrai. Personne n'en a besoin, de son argent. Achetons des lunettes staïle avec. Des trucs On,  In,  In the mouv, A la mode, modernes, classes, cool, chic. Bourgeois, nouveau-riche, prétentieux, frimeur, tape-à-l'œil.

    Si dans le monde l'argent était une denrée rare, j'appellerais cela du gaspillage ; seulement l'argent ne se mange pas et personne ne peut dire qu'il manque sur Terre.

     

    Jouons à Si j'étais riche.

    « -Si j'étais riche, j'irais donner mes mains et mon sourire. »

    «- Si j'étais riche, je n'achèterais ni la liberté, ni l'amour. Je volerais le courage de les dérober. »

    « -Si j'étais riche, je ferais partager ma richesse aux autres. »

    Voyez la richesse que vous possédez. Celle qui ne tient pas dans la paume, mais que vous pouvez brandir comme une fleur égayant le visage des cœurs d'or ou comme une arme terrifiant les Diables monétaires.

     

    Quelles barrières y a t'il dans l'espace, quelles ornières vous rendent si aveugles ?

     

    Ma vielle dame, si nécrosée soit-elle, pleure devant sa télé, dans son fauteuil de mort, lorsqu'elle voit, penchée à la fenêtre de son nuage de solitude, ce que sont devenus ses fils.

     

    Et vous, son engeance. Démasquez-vous de ces apparats de conviction ! Où est passée la jeunesse chez les jeunes ? Où sont passés les cris, les pleurs et les rires ? Sont-ils condamnés à une salle de cinéma ? Vous écraserez vous toujours devant le supérieur ? Laisserez vous votre intelligence se faire écraser par la connerie des autres sous prétexte que l'une pèse plus lourd que l'autre ? N'avez vous pas assez de foi dans les bras de votre cœur pour tenter de résister ?

    Que Diable !

     

    Puissiez vous tous abattre la forêt étriquée et obscure, dont les cimes belligérantes vous abritent de la lumière. Puissiez vous scier les piliers de votre ignorance, car c'est elle qui est la cause du malheur. Puisses tu te  rendre compte que tu es porteur de cette ignorance.

    Et saches que, comme moi, tu es responsable de la famine, de la guerre, de la haine et du désespoir. Ou bien caches toi derrière ta non-culpabilité, mais meurs avec tes « si j'avais ».

     

    N'ayez plus honte de détourner le regard des clochards faute de savoir que faire et que dire. Trouvez ce qui leur ferait plaisir. Et si vous n'avez jamais eu honte et pensez qu'ils ne valent aucune peine, je préfère comme bien d'autre être à leur place qu'à la vôtre.

    Dans la rue de mon centre ville, il y a une femme qui depuis quelques semaines est allongée sur le trottoir et regarde son enfant apprendre à marcher en souriant. La beauté de ce spectacle était tellement éclatante parmi le monogénisme du flux que mon ami et moi à vélo fûmes subjugués, n'osant plus tourner notre regard vers notre sombre intérieur.

    Comme dans toutes les villes de France, nous connaissons la version rougeâtre, puante, sale et paillarde du clochard. Voyez, comme cette version est connue de vous. Comme elle vous semble saillante. Presque... sympathique. Ce reste d'homme n'est qu'un homme ignorant comme les autres, qui s'est vu dépourvu des moyens financiers de sourire et de perdurer dans la caste des gens sociables. Bref, c'est quelqu'un comme vous. Exactement, fondamentalement comme vous. Avec les mêmes droits, ironiquement les mêmes devoirs. Les mêmes désirs, les mêmes besoins. Peut-être qu'avant, lui aussi avait des trucs staïles à 230. Et vous seriez comme lui sans vos biftons, ceux après lesquels vous courez si avidement, le dos courbé, les bras tendus.

     

     

    (auteur inconnu. )


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  • pib

    On dirait que maintenant réussir sa vie veut dire tenir le plus lontemps possible.

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  • Un goût de thé à la menthe. Un pain aux olives. Une maison. Des gens. Des "tarés". Pas tant que ça. Du bruit. Mais qui fait du bien. Des âges. Famille. Travail. Allah. Une porte ouverte. A tous.

    Merci...


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  • 83 ans.
    Elle était là, dans un lit d'hôpital, et elle avait 83 ans.
    Elle allait mourir. Elle était heureuse comme jamais. Oh non, pas heureuse de mourir. D'avoir tenu jusque là. Elle la première n'aurait jamais cru. Pour elle qui avait voulu s'ôter la vie, 83 ans, ça fait quelque chose.
    Elle éviter de repenser à cette fameuse soirée. Celle qui avait faillit être la dernière. Oui, elle avait réussi à ne plus y penser. Enfin, tout du moins a une grosse partie de cette soirée.
    Seulement aujourd'hui c'était spécial. Elle allait mourir, elle avait 83 ans et elle était heureuse.
    Et cette soirée s'est remise devant ses yeux. Comme si elle voulait faire une blague, en se mettant devant l'objectif. En gros plan.
    Il ne pleuvait pas ce soir là. Et elle ne regardait pas les gouttes couler lentement sur les vitres. Ni le flou des réverbères. Et encore moins les gens passer en riant. Elle n'aurait jamais eu le courage, elle adorait la pluie et les sourires.
    Le ciel était violet. Elle adorait aussi le violet. Et elle s'est dit qu'elle voulait y monter, dans ce ciel.
    Elle s'était assise au milieu du salon. Elle voulait mettre des bougies autour d'elle mais s'était dit que ce serait dangereux. C'était elle qui devait mourir, personne d'autre.
    Tant pis pour les bougies.
    Sa fille devait être entrain de bien manger dans sa famille d'adoption, le père tout autre chose avec sa nouvelle femme de sa vie, et ses parents dormaient toujours aussi profondément quelques mètres sous terre. Elle avait toujours était contente d'être fille unique. Ben là elle retirait. Les amis? Non. Le boulot? Ca risque pas.
    Bon. Sa mort n'affecterait personne, elle était prête.
    Le peu d'argent qu'il lui restait s'était transformé en arsenic, qu'elle avait posé devant elle. Son verre de vodka était également à ses pieds. Elle n'avait jamais bu d'alcool alors elle avait pensé qu'il fallait goûter au moins une fois.
    Elle n'avait pas pleuré. Elle était prête et sans regrets. Sa fille était heureuse et c'était le principal.
    C'est bon, elle pouvait devenir violette.
    Après c'est un peu mélangé par contre. Elle a eu probablement un moment d'inconscience. Ses mains tremblaient, ça c'était sûr.
    C'est le téléphone qui a réajusté le flou.
    Comme un réveil en sursaut.
    Elle n'a jamais compris pourquoi elle avait répondu à ce coup de fil. Elle était prête. Sans regrets. Elle n'avait strictement aucune raison de répondre. Eh ben la raison s'est faîte toute petite.
    Elle a décroché.
    Avec un allo timide. Un allo apeuré même.
    Et elle a entendu une toute petite voix... Qui a résonnée dans sa tête. Et résonne toujours depuis. Une toute petite voix. Une qui dit toujours la vérité et qui voit la réalité comme personne.
    Une qui lui a dit tout doucement:

    « Bonne anniversaire maman... Je t'aime... »

    (merci a Paula, mini muse...^^ )


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